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15.12.10 21:52 Il y a : 14 Année

Guillermo Fariñas Hernández. MESSAGE AU PARLEMENT EUROPÉEN

Catégorie : au Parlement Européen

MESSAGE AU PARLEMENT EUROPÉEN
Santa Clara, le 14 décembre 2010

Monsieur le Président du Parlement européen,

Mesdames et Messieurs les vice-présidents et chers députés européens au sein de ce forum démocratique plurinational,

Malheureusement pour la tolérance qui nous manque tant sur cette planète convulsée, je ne peux être parmi vous, en représentation du peuple rebelle cubain et de cette partie des citoyens du pays qui a déjà délaissé la crainte face au gouvernement totalitaire qui nous réprime, depuis cette période honteuse de 52 ans, et dont la victime la plus récente est le martyre Orlando Zapata Tamayo.

Pour l'infortune de ceux qui nous gouvernent mal dans notre propre patrie, je considère que le fait de ne pas pouvoir sortir de cette île dans laquelle je suis né et y revenir de façon volontaire est déjà en soi la preuve la plus aveuglante de ce que, malheureusement, rien n'a changé dans le système autocratique de mon pays.

Dans l'esprit des gouvernants cubains actuels, nous, citoyens de ce pays, sommes ce que furent mes ancêtres séquestrés en Afrique et amenés de force en Amérique au cours des siècles passés. Pour que moi-même ou un autre simple citoyen puisse voyager à l'étranger, il a besoin d'une carte de liberté, comme en avaient besoin autrefois les esclaves, la seule différence étant que celle-ci s'appelle aujourd'hui carte blanche.

Mon plus grand espoir est que vous n'écoutiez pas le chant des sirènes d'un régime cruel de "communisme sauvage", dont l'unique aspiration, après avoir simulé des changements économiques imaginaires, est que l'Union européenne et le Parlement européen lèvent la position commune pour qu'ils puissent bénéficier des crédits et des investissements par lesquels un soutien est accordé aux pays du tiers monde dans le cadre de l'accord de Cotonou.

Près de vous seront certainement assis d'anciens prisonniers politiques ou des prisonniers d'opinion récemment relâchés par le "communisme sauvage". Il serait erroné de penser qu'ils ont été libérés; eux-mêmes et leurs familles subissent un "exil psychologique" puisque les êtres les plus chers à leurs yeux endurent des sévices de la part du gouvernement néo-stalinien cubain.

Nous, les opposants pacifiques à l'intérieur du pays, la partie la plus défavorisée de la population que nous sommes, endurons avec stoïcisme et de façon systématique toutes les difficultés matérielles ou spirituelles, de même que les dangers de perdre la liberté et même la vie. Ici, à Cuba, nous souffrons tous mais nous ne nous plaignons pas; c'est pourquoi nous aspirons à compter sur votre soutien.

Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de ne pas céder aux revendications de l'élite gouvernementale cubaine, tant que les cinq points suivants ne seront pas satisfaits:

premièrement, poursuivre la libération, sans les exiler, de tous les prisonniers politiques et prisonniers d'opinion, et s'engager publiquement à ne jamais emprisonner les opposants politiques non violents;

deuxièmement, renoncer immédiatement aux violences et aux menaces contre les opposants pacifiques à l'intérieur du pays qui sont le fait des partisans militaires et paramilitaires du régime;

troisièmement: annoncer que toutes les lois cubaines qui sont incompatibles avec la Déclaration universelle des droits de l'homme seront examinées et abrogées;

quatrièmement, donner, dans la pratique quotidienne, les possibilités de créer des partis politiques d'opposition, des médias non assujettis au système de "socialisme d'État", des syndicats indépendants et tout autre type d'entités sociales pacifiques;

cinquièmement, accepter publiquement que tous les Cubains de la diaspora aient le droit de participer au système culturel, économique, politique et social de Cuba.

En ce moment historique crucial que connaît mon pays, vous-mêmes et tous les hommes et les femmes de bonne volonté dans le monde devez être attentifs aux explosions sociales continuelles et aux protestations qui s'élèvent dans le pays, autant d'événements qui pourraient naître de la frustration due à l'arrogance d'un gouvernement qui pourrait donner l'ordre d'exterminer mes compatriotes.

Espérons que Dieu ne permette pas que se produise une guerre civile inutile entre les Cubains en raison de l'aveuglement qu'il y aurait à ne pas reconnaître que le "socialisme d'État" en tant que modèle politique a été et est un échec dans toutes les zones géographiques où on a voulu le mettre en œuvre. Cette réalité a été reconnue devant la presse étrangère par le leader historique lui-même de la mal nommée Révolution cubaine.

Les vieux gouvernants cubains ne veulent pas comprendre, dans leur mépris quotidien envers les gouvernés, qu'ils devraient être les serviteurs de l'État et que tous les vrais serviteurs de l'État donnent à leurs compatriotes la possibilité de les remplacer ou de les reconduire. Aucun dirigeant ne doit vouloir être servi par ses administrés, comme c'est le cas à Cuba.

Mes sœurs et mes frères de lutte qui partagez les idées démocratiques, tant ceux d'entre vous qui êtes encore en prison que ceux qui êtes en apparence libres dans les rues et qui avez dû prendre le dur chemin de l'exil, nous continuerons notre lutte non violente et inégale contre la répression castriste et, si  Dieu nous vient en aide, nous la remporterons sans effusion de sang.

Si je fais quelque chose en compagnie de mes collègues dissidents, c'est bannir de mon âme toute rancune contre mes adversaires politiques. Une vérité, qui fait de nous des êtres humains supérieurs pour la reconstruction de la patrie, est que dans le cadre de cette lutte, j'ai appris à être guidé par les paroles du premier dissident connu, Jésus-Christ: "Aimez vos ennemis".

Je remercie le Parlement européen de ne pas abandonner le peuple cubain dans ce combat de plus d'un demi-siècle en faveur de la démocratie. Ce Prix Andreï Sakharov pour la liberté de l'esprit 2010 qui m'a été conféré, je ne l'accepte que parce que je me sens comme une petite parcelle de cette rébellion, que nourrit ce peuple auquel j'appartiens avec fierté et honneur.

Je vous suis infiniment reconnaissant pour ce geste, Mesdames et Messieurs les députés, qui montre que vous n'oubliez pas les malheurs que nous endurons et qui approche ainsi la lumière de la liberté de ma patrie.

Qu'il plaise à Dieu que prochainement se produise à Cuba la réconciliation entre ses enfants et que celle-ci soit bénie par la démocratie.


Guillermo Fariñas Hernández
Licencié en psychologie
Bibliothécaire et journaliste indépendant, ancien prisonnier politique à trois reprises

 


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